Serment des Ruines et Crépuscule
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 Déchéance

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Mio
Tonton Chaton
Mio


Nombre de messages : 240
Date d'inscription : 10/02/2015

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MessageSujet: Déchéance   Déchéance Empty18/2/2017, 11:52 pm

Les geôles

L'éclat grandit, s'étend, il luit sur cette ronde surface, prend de l'ampleur, semble abriter de plus en plus de vie, encore et encore. Bientôt, il atteint sa taille maximale. Il est beau, mur. Enfin il s'arrache, quitte son nid, dans un silence déchirant, se détache, tombe puis s'éclate et explose sur la pierre dans un vacarme insoutenable. Ce petit ploc tant répété est devenu une déflagration résonnant dans mon crâne et menaçant à chaque instant de le faire céder.

J'ai soif.
Les chaînes qui entaillent mes chevilles m'interdisent de bouger.
J'ai faim.
Il y a quelques restes de peaux grillées sur l'os, dans ma main. Je sais qu'elle m'arrachera un cri de douleur quand j'aurai trouvé la force de la porter à mes lèvres rêches.
J'ai froid. Je grelotte.
Si je me changeais en chat, j'aurais des poils pour me tenir chaud.

Mais je vais plutôt attendre que la mort vienne me chercher. Mes yeux sont grands ouverts pour ne pas la louper. Elle mettra fin au vacarme de la goutte d'eau qui tombe sans cesse. J'aimerais tellement qu'elle vienne plus vite.



- Monseigneur...?
...hum, hum !
Monseigneur Sungreen ?
HÉ ! IL Y A QUELQU'UN ?
- AAAH ? Mais bon sang, Argona ! Qu'est-ce que tu veux ? Tu ne vois pas que je suis occupé ?
- C'est que, Monseigneur, j'ai trouvé ceci...
- Et alors ? Qu'est-ce que ça dit ?
- Est-ce que vous pourriez me regarder quand je vous parle monsieur ? Vos papiers sont-ils si urgents ?
- Comment ? Parle plus fort, Argona ! Je ne t'entends pas !
- Oui, pardon, Monseigneur.
- La lettre, Argona !
- Oui, bien sûr. Je l'ai trouvée dans les effets du brigand qui nous a été envoyé récemment.
- Et que dit-elle ? Dois-je t'arracher tous les mots de la bouche ? Es-tu donc incapable de parler promptement ?
- Pardon, Monseigneur. Le contenu est sans grand intérêt, assez vilainement écrit.
- Alors pourquoi m'en parles-tu ?
- Eh bien, il semble que ce fut un piège.
- Que dis-tu là ?
Pour la première fois, l'homme leva les yeux vers le garde. Argona Swan se redressa. Réflexe de soldat. Ses dents étaient serrées et il lui était éprouvant de parler. Son supérieur n'avait jamais été agréable à vivre, mais il était particulièrement dédaigneux ce soir.
- La lettre est une demande d'aide anonyme. Comme je vous le disais, elle n'est guère bien écrite, mais l'auteur a pris la peine d'exercer une écriture appliquée et de mander le brigand aux abords de Divenia. Le brigand a du croire en une requête d'une religieuse lettrée.
Effix Sungreen était à nouveau penché sur ces manuscrits. Le poing d'Argona se serra malgré lui.
- J'ai contacté mon ami Victaros et lui ai demandé de se rendre au lieu de rendez-vous. Nous avons fait nos classes ensemble et il est en ce moment en poste à...
- L'histoire de votre ami ne m'intéresse pas, Argona. Poursuivez.
- Mes excuses, Monseigneur. Il s'y est rendu et la missive qu'il m'a fait parvenir est...troublante. Son experience de soldat lui permet d'affirmer qu'une bataille sanglante a eu lieu là-bas. Des escarmouches aussi meurtrières sont bien rares aux abords du temple, et...
- Et le brigand a été piégé, oui oui, j'ai compris. Et alors ? En quoi cela nous concerne ? Il y a une noble manière de capturer un assassin ? Un rejeton du malin ? Un être abject tel que ce personnage ? La justice doit-elle prendre des gants pour des mécréants de ce calibre ?
- Non, Monseigneur. Aucunement, bien sûr.
- C'est ce qu'il me semble ! Alors pourquoi me fais-tu perdre mon temps avec ces sottises ?
- C'est que, Monseigneur, une embuscade telle, organisée par l'armée du Roy, Victaros en aurait entendu parler.
- Et donc ? Il n'y a pas que Sa Majesté Galoregor qui traque les infâmes bandits. Le cartel et les exilés font de même depuis toujours.
- Dans ce cas, ils auraient réclamé la rançon...
À nouveau, l'homme leva la tête, pensif.
- Tu as raison. Il n'y a pas eu de rançon. Quelqu'un en voulait à cet homme, voilà tout.
- Mais pourquoi ne pas simplement le tuer dans ce cas ?
Effix Sungreen oublia définitivement ses manuscrits.
- Parce qu'il a des alliés dont ses détracteurs craignaient la vengeance ?
- Je le crois.
- Nous aurions donc, sous les verrous, un chef brigand ?
- Il semblerait bien que oui.
- Et tu crains une attaque de la prison ?
- Eh bien à vrai dire...
- Personne. Personne ne s'est jamais frotté à nous. Cela n'arrivera pas. Rompez soldat !
L'archimage, excédé, retourna à ses manuscrits tandis qu'Argona tournait sur ses talons, les dents serrées. Puis il eu un doute. L'archimage Effix Sungreen hésita.
- Argona ! Je vais débloquer des fonds. Double la garnison de l'aile ouest du bastion. Je te considère personnellement responsable de la garde de ce brigand. Tâche de faire en sorte qu'il meure sur l'échafaud.
- N'ayez crainte, Monseigneur. Le seigneur brigand sera bien livré au bourreau à l'aube de la prochaine nouvelle lune. Je pourfendrai tout individu tentant d'arrêter la justice !
Argona Swan s'inclina et partit. Ses dents s'étaient desserrées. Son poing également. Ses efforts portaient enfin ses fruits !
De nouveaux hommes à ses ordres, de nouvelles responsabilités. Il avait de quoi être fier. Il paierai toutes ses cervoises à Victaros, lorsqu'ils se reverraient !



Les mains sur les oreilles, j'agitait ma tête dans tous les sens, cherchant à tout prix le calme. La fin du vacarme. Il fallait que ça cesse. Par pitié !
Mes yeux fous ses jetèrent vers la lune.
Bientôt, bientôt. Enfin, je serai libre. Je connaîtrai le calme. Enfin.
Un navire. Il y avait un navire. Ce n'était pas le bourreau. Il ne viendra qu'à la nouvelle lune. La nouvelle lune. Oui. Encore un peu de patience. Le bruit !
Le navire, oui. Le navire. Pourquoi ? Un nouveau prisonnier ? Qui ? Quel...fou ! Quel fou pouvait. En pleine nuit ? L'océan si agité ? C'était quelqu'un d'important. Sûrement.
Je ne vois pas le pavillon. Dans la nuit. Il semble noir.
Par Heffquen !!! Que ce vacarme cesse !!



Argona avait l'habitude. Des détenus qui se roulaient par terre et hurlaient à la mort en se frappant le crâne contre le sol, il n'était pas le premier et ne serait pas le dernier.
Certains, toutefois, restaient stoïques jusqu'à la fin. Ce seigneur brigand, il devait avoir quelques prérogatives à la folie. Argona savait qu'à cette place, il ne céderait pas. Il saurait rester digne. Enfin, en fait, il l’espérait. Il avait trop vu de prisonniers devenir fous pour pouvoir en être certain.
Cela suffisait. Il ne devait pas rester devant la cellule. Argona repris sa route dans le couloir. Il avait du pain sur la planche. Il devait trouver de nouvelles recrues rapidement.



Au loin, un navire sillonnait la mer déchaînée, le cap sur la prison de Fangelice. Même sous l'éclat du dernier quartier de lune, son pavillon restait noir.
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Blanche Halmak
Masseuse Thai
Blanche Halmak


Nombre de messages : 92
Date d'inscription : 16/06/2016

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MessageSujet: Re: Déchéance   Déchéance Empty6/5/2017, 11:41 am

Plic. Ploc. Plic. Ploc.

Les yeux rivés au plafond de la cabine, je compte les gouttes tombant sur le sol. La nuit est interminable. Il fait froid, humide et le vent manque d’arracher le mat à chaque instant. J’avais toujours rêvé de faire une croisière. Ou au moins un tour en bateau. Mais pas en plein hiver, et certainement pas avec ces gens-là.

Plic. Ploc. Plic. Ploc.

La cabine est plongée dans l’obscurité. La bougie s’est éteinte depuis longtemps et j’ignore si l’humidité me permettra de la rallumer. La pièce est tellement étroite de toute façon que je peux y circuler les yeux fermés. Un hamac tendu dans la longueur et un coffre contenant mon armure sont tout ce que j’ai réussi à y faire entrer. C’est plutôt un placard qu’une véritable cabine. Mais au moins, il n’y a personne d’autre.

Plic. Ploc. Plic. Ploc.

J’essaie de me concentrer sur les gouttes. Uniquement les gouttes. Rien d’autre. Je cherche à me convaincre qu’aucun autre bruit ne vient rompre la nuit, les vagues et le vent. Juste les gouttes. Cependant, la bande d’animaux qui constitue l’équipage et mes compagnons de voyage en ont décidé autrement. Après s’être attribué la cabine du capitaine, ils y passent à tour de rôle. Si le chef était là, ça ne se passerait pas comme ça.
Plic. Ploc. Plic. Ploc.
Lassée de courir après un sommeil qui ne viendra jamais, je sors en claquant la porte. L’air frais – trop froid – de la nuit me fera le plus grand bien. Le vent s’engouffre sous ma cape. Je tremble, à moitié de froid et à moitié d’angoisse. Quel temps infâme. Mais le jeu en vaut la chandelle. Il en vaut la chandelle.

J’ignore royalement tous les détritus de la société que je croise sur mon chemin. Il a fallu faire vite, et comme aucun d’entre nous ne sait naviguer, nous n’avons pas pu être trop regardants sur qui nous embauchions. Une petite dizaine d’hommes et de femmes n’ayant rien à perdre. Et follement attirés par l’argent.

Alors que mon regard se perd dans la nuit noire, j’aperçois une lumière. Faible, mais persistante. Immobile. Une seule, puis plusieurs, à intervalles réguliers, formant une sorte de quadrillage. Des dizaines, puis des centaines. Sans y être jamais allée, je devine tout de suite ce que c’est. Une lumière pour chaque fenêtre. Une fenêtre pour chaque cellule. Une cellule chaque prisonnier. La prison de Fangélice. Un bâtiment aussi sombre que l’âme de ceux qui y sont envoyés.

Notre plan est prêt depuis des jours. Il est temps de réveiller les autres.

***

L’aube commence à se lever alors que je scrute anxieusement la façade et les petites fenêtres lumineuses. J’ai essayé de les compter, plusieurs fois, sans parvenir jusqu’au bout. Mes paupières sont lourdes et j’ai l’impression d’avoir du sable dans les yeux. Je suis tellement crispée par le froid et l’angoisse que mes muscles sont engourdis et me font souffrir au moindre mouvement.

J’ignore ce qu’il se passe à l’intérieur. J’ignore où ils sont. J’ignore ce qu’ils font. J’ignore même s’ils sont encore en vie. Je regrette régulièrement d’être restée en arrière, puis je pense égoïstement qu’ai moins, j’ai plus de chance de m’en sortir. Du coin de l’œil, je regarde en direction des deux autres à être restés sur le bateau. Je n’arrive pas à deviner ce qu’ils pensent. Je n’ai jamais été très douée pour ça. Sans doute pensent-ils plus ou moins comme moi.

Le bateau collé à la prison m’oblige à me tordre le cou pour voir quelque chose. Mais il ne se passe rien. On n’entend rien. Le bâtiment semble désert, mort. Et pourtant, il parait avoir avalé nos compagnons. Je les ai vus entrer et je ne les verrai sans doute jamais sortir. La légende de Fangélice est bel et bien fondée. Si on y pénètre facilement, on ne la quitte pas comme ça. Mais peut-être que cette fois, ce sera différent. Ils sont différents, ils pourraient s’en sortir. Lassée d’alterner entre l’optimisme et le profond désespoir, je m’oblige à recommencer à compter les fenêtres pour ne plus penser.

Un, deux, trois…

Je perds vite le compte et recommence à penser. Le plan est clair. Si le soleil se lève et que personne n’est revenu, nous devons partir. J’interroge silencieusement mes compagnons qui hochent imperceptiblement la tête. Le cœur au bord des lèvres, la gorge nouée et les yeux humides, je les regarde se diriger vers le capitaine. Je comprends mieux maintenant pourquoi ils m’ont laissée en arrière. Incapable de prendre une décision et encombrée par trop de sentiments, j’aurais tout fait rater. Avec tout l’espoir d’une jeune mariée, je me tourne une dernière fois vers la prison.

Alors que nous nous apprêtons à lever l’ancre, j’aperçois une silhouette, qui lentement, descend le long de la façade. Elle descend à toute vitesse, bientôt suivie d’une deuxième, puis d’une troisième. Avec l’agilité d’un chat, si on admet qu’un chat puisse se déplacer à la verticale sur un mur, ils se rapprochent du bateau. Je plisse les yeux pour essayer de les reconnaitre, mais la lumière reste trop faible.

Au bout de longues minutes, ils atterrissent sur le pont. Ils ne sont que trois. Pourquoi ne sont-ils que trois ? Alors que je m’avance pour leur poser la question, je suis coupée dans mon élan par une voix rocailleuse, ferme, pleine de confiance, et avec l’habitude d’être obéie : « On lève l’ancre. »

Aussitôt, je reconnais le chef.
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